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Le regarnissage est une opération incontournable pour qui veut obtenir un beau gazon, homogène, bien dense et parfaitement jouable. Sa réussite dépend du choix des graminées, des périodes d’intervention et du matériel à disposition. Aux intendants et groundsmen de respecter les règles du jeu qu’impose un regarnissage réussi.
Les piétinements intensifs, les épisodes de sécheresse toujours plus intenses et les conditions de jeu propres aux différentes disciplines pratiquées, détériorent inévitablement le gazon. En témoignent la perte de densité du tapis vert, la régénération difficile des graminées encore présentes et la présence de zones détériorées, favorisant le développement des adventices (on pense bien évidemment au pâturin annuel !).
Autant dire qu’un regarnissage s’impose, il en va de la qualité du terrain, qu’il soit d’ailleurs foulé par une équipe d’amateurs ou des joueurs d’élite. Toutefois, un regarnissage est une opération qui ne se s’improvise pas : il s’agit de sélectionner des graminées adaptées, car toutes ne se valent pas dans ce contexte, et d’être en possession d’un matériel propre à cet usage. Encore faut-il respecter les périodes d’interventions les plus propices au regarnissage. Un rappel s’impose.
La sélection variétale, tirant profit des qualités intrinsèques de chaque espèce, répond aux exigences imposées par les différentes disciplines sportives : résistance à l’arrachement, régénération rapide, esthétisme… Plusieurs espèces et variétés entrent ainsi en concurrence.
Tout d’abord, le ray-grass anglais (Lolium perenne) est sans doute la graminée la plus utilisée. Cette reine des gazons doit son statut à son esthétisme général (excellente coloration, densité et finesse), sa résistance à l’arrachement (certaines variétés sont ‘traçantes’), son aptitude à se régénérer, sa rapidité d’installation, y compris aux alentours de 3°C, sa concurrence naturelle vis-à-vis des autres espèces et adventices… Points importants, elle supporte également les tontes rases et valorise bien les apports hydriques. Seul bémol, le ray-grass est assez sensible aux fortes chaleurs, et atteint ainsi rapidement un seuil de flétrissement et de non-retour ; en effet, il suffit d’une journée frôlant les 40 °C pour griller définitivement une pelouse non arrosée.
Sur ce point, la fétuque élevée (Festuca arundinacea) résiste davantage à la sécheresse et à la chaleur, ce qui explique son bel aspect estival. Alors certes, cette espèce s’assèche pendant les fortes chaleurs, mais repart rapidement au niveau du plateau de tallage après un arrosage, ce que ne permet pas le ray-grass. Autre avantage, l’excès d’humidité ne lui fait pas peur. Bien colorée, fine et dense, la fétuque élevée résiste également très bien au piétinement, à l’arrachement et, fait important, aux maladies cryptogamiques. Cependant, l’inconvénient majeur de cette espèce est la lenteur de son installation, d’autant plus si les semis sont tardifs. Son aspect et sa densité peuvent s’avérer plutôt médiocres d’une variété à l’autre.
Enfin, dernière espèce : le pâturin des prés (Poa pratensis). Grâce ses rhizomes, cette espèce présente une très bonne faculté de régénération et une bonne résistance à l’arrachement. Elle contribue à densifier les gazons et résiste bien à la chaleur.
En revanche, le pâturin des prés, qui présente une belle coloration, est gourmand en eau et en éléments nutritifs. La lenteur de sa croissance, sa production de feutre (si la tonte n’est pas ramassée), sa sensibilité aux maladies et sa résistance moyenne aux piétinements intensifs font aussi partie de ses points faibles.
Par conséquent, bien que les ray-grass et les fétuques élevées soient majoritairement utilisés, toutes les graminées ne se valent pas dans un objectif de regarnissage. Certaines germent plus rapidement, parfois en hiver, d’autres densifient davantage un gazon… En mélange savamment dosé, ces espèces s’équilibrent et font des merveilles. Mais le choix d’une ou plusieurs espèces n’a de sens qu’avec l’instauration d’une stratégie de regarnissage pertinente, obéissant à un calendrier d’intervention précis suivant les objectifs recherchés.
Si un regarnissage peut s’opérer tout au long de l’année, deux périodes sont néanmoins plus propices : le printemps et l’automne, lors desquelles les températures plus clémentes favorisent la germination et la levée des semences. Au printemps, les intendants et groundsmen profitent aussi des dernières pluies, humectant le sol et les semis. Sous réserve d’un arrosage contrôlé, sans excès, un regarnissage réalisé à cette période ne peut être que réussi. Mais parfois, à l’intersaison, un regarnissage est préconisé afin de reprendre des zones complètements dégarnies (zones de but, surface de réparation, poteaux de corner, cordes des pistes de course…).
Quand vient l’automne, de septembre à novembre, les conditions sont tout autant favorables pour un regarnissage. Aux dires des experts, c’est une saison charnière, au cours de laquelle le gazon emmagasine un maximum de réserves jusqu’à entrer en dormance. D’où l’intérêt, en parallèle des opérations mécaniques, des apports d’engrais, surtout qu’à cette période, les rencontres sportives se multiplient et mettent à mal le gazon. Et sans regarnissage, il va se déformer, se dégarnir, alors autant intervenir judicieusement avant les affres de l’hiver.
L’hiver… Pendant quelques mois, le gazon souffre alors qu’il est de plus en plus sollicité. Un paradoxe. C’est pourquoi, les professionnels optent pour un regarnissage d’hiver, réalisé avec des variétés de ray-grass sélectionnées qui, dosées entre 35 et 45 g/m², sont capables de germer en conditions froides. Le gazon ainsi regarni fait office de ‘pansement’ vert, et ce, jusqu’au printemps suivant. Des mélanges spécifiques de graminées prennent ensuite le relai. Et tout recommence.
La technique de regarnissage dépend des périodes d’intervention et du contexte. Commençons par les regarnissages réalisés au printemps et à l’automne. Durant ces périodes, les surfaces sportives sont jouées fréquemment. L’objectif sera donc de placer la semence en profondeur, afin que celle-ci soit à l’abri du piétinement et du bec des oiseaux. Des regarnisseurs à pointe ou à disque, plaçant les semences dans de minces sillons, sont généralement utilisés.
Une autre technique consiste à aérer ou carotter le sol, puis de regarnir avec une machine type ‘Joker’ du fabricant alsacien Hege. Equipée du kit semoir, cette machine polymorphe se transforme en un regarnisseur parfaitement fonctionnel.
Autre période, autre technique. Lors de la trêve estivale, annonçant la fin de la saison et le début d’une nouvelle, les surfaces dégarnies sont tantôt éparses ou pléthores. Dans tous les cas, la méthode de regarnissage est la suivante : après déflachage du sol, l’usage d’un combiné de semis type ‘Précis’ est recommandé afin d’obtenir un couvert engazonné le plus dense possible sur les zones dégarnies. Il donne d’excellents résultats.
En présence d’un système d’arrosage automatique, un regarnisseur à petites et nombreuses pointes, exécutant des perforations d’environ 3 cm, permet aussi d’obtenir un couvert dense et homogène. Mais cette technique se révèle peu efficace lorsque le couvert est déjà dense, où l’objectif est de concurrencer le pâturin annuel. Quant au regarnisseur à disque, dont les éléments sont disposés en ‘V’ afin de former des sillons nets, ce matériel est réputé pour présenter un taux de germination très élevé, proche de 100 %. Une arme redoutable contre le pâturin annuel.
Par contre, un terrain sans dispositif d’arrosage automatique mais équipé d’un arroseur automoteur type Rollcart, est regarni avec trois approches différentes, qui nécessitent autant de matériels. Tout d’abord, un regarnisseur à faible densité de pointes permet de placer plus profondément les semences dans les sol, jusqu’à 4 à 5 cm de profondeur.
De son côté, le regarnissage en ligne, avec des outils à lames rotatives est efficace sur sol sec et dur. L’inconvénient est la visibilité des lignes. Troisième technique : aérer ou carotter le sol, puis regarnir avec un ‘Joker’ équipé du kit semoir ou du ‘Précis’. Hege ne saurait que vous recommander cette méthode.
Dans tous les cas, le mode opératoire est identique. Avant une opération de regarnissage, il est conseillé de verticuter, de défeutrer, de carotter ou de décompacter le sol, tout en repérant l’emplacement des arroseurs, des fourreaux ou autres points durs. Après avoir correctement étalonner le matériel à disposition, de façon à respecter les doses préconisées par les semenciers, l’opérateur doit semer en passages simples ou croisés. A condition que le couvert végétal soit sec et le sol porteur. Dernier conseil : en période de déficit hydrique et d’évaporation, il est primordial de maintenir un lit de semences humique jusqu’à sa complète installation.
En résumé, à l’heure où la canicule sévit chaque été dans toute la France, les professionnels sont invités à multiplier les interventions de regarnissage. D’autant plus que les surfaces de jeu sont de plus en plus sollicitées, parfois surfréquencées, et mises à rude épreuve. Quoi de plus légitime alors que de regarnir un gazon. En tout cas, les solutions végétales et techniques ne manquent pas chez Hege.